J’avais écrit, en 2017, cette critique culinaire dans le groupe « Circus politicus, des colères, des espoirs de citoyenne. »* Trois ans plus tard, jour pour jour, la dite recette passe devant un jury d’experts.
Allez une fois n’est pas coutume, je vais m’éloigner de mes préoccupations H²O et culturelles, et vous parler fillonade, une recette de cuisine un peu particulière. Alors pour la fillonade, il vous faudra une bonne dose d’humour et de patience. Oui, c’est gratiné, cela peut paraître simple, mais les ingrédients sont délicats à manipuler : le peuple français (vous et moi), les médias, des politiciens, la justice, quelques fake news façon Trump… Et une belle casserole de pro pour mitonner le tout !
Trêve de plaisanterie, j’ai lu le JDD aujourd’hui – oui je lis parfois le JDD comme Libération, le Canard Enchaîné, le Monde, Charlie Hebdo, la Nouvelle République, l’Autre Quotidien, le Figaro… une citoyenne informée en vaut deux – et honnêtement, Pénélope, la fillonade tu l’as peut-être un peu trop pimentée. Confier à un journaliste : « Parler français au téléphone, c’est dur pour moi. », c’est culotté pour une assistante parlementaire aguerrie ! Cette interrogation n’est-elle pas un peu gourde : « Qui garde ces papiers plus de dix ans » ? Et bien princesse, tu permets que je t’appelle princesse, hein ? Toute personne avisée garde les dossiers plus de dix ans au cas où un vieux loup sortirait du bois ; en entreprise c’est la loi, mais peut-être pas pour l’Assemblée nationale… Et là le loup, tu l’as pas vu venir.
Mais franchement bravo, tu as la peau dure, tu résistes bien à la perversité humaine, à tout ce déballage, ces sous-entendus, ces attaques déloyales, ce déni de la présomption d’innocence… Quel courage – ou inconscience – cet interview. Votre seul tort à toi et ton François chéri : méconnaître les français, la « base » de cette recette. Toi tu es galloise, on peut te pardonner, mais lui, franchement ? Utiliser l’attaque en mode de défense, quelle idée ? Seuls les coupables font cela, regarde autour de toi. « Les affaires » en période électorale, c’est une coutume française, un peu comme le Carnaval à Rio. Alors tu penses bien que les grosses ficelles on les connaît, les combats de coq et de furies aussi. Et puis dire que les mentalités ont changé, que le travail en famille est mal vu… Faux, mille fois faux ! Les agriculteurs, les vignerons, les artisans travaillent en famille, la première entreprise de France est l’artisanat, une grande famille ; l’un de vos amis députés l’a relevé d’ailleurs, et il aurait mieux fait de se taire. Le hic, vois-tu, est que l’artisan, l’agriculteur, le vigneron… paye son conjoint avec ses propres deniers qu’ils ont tous deux gagné durement et que le salaire est plutôt du niveau smic ; non les mentalités n’ont pas changé, mais avec ton salaire de ministre, vous avez tous deux insulté, giflé des milliers de familles de travailleurs français, sans oublier tes consœurs assistantes parlementaires qui gagnent le quart de ce que te versait généreusement ton mari adoré. C’est légal, pas de quoi mettre en examen, mais pas très moral, pas joli, joli, pas très patriotique pour quelqu’un qui prône l’austérité.
Et nous, citoyens français, électeurs des élites, haletant devant nos écrans, nous n’attendions qu’une chose : que se lèvent spontanément toutes les personnes qui ont obligatoirement été en lien avec l’assistante que tu étais, pour témoigner de ton travail et de ta fidélité. Aussi discrète sois-tu, princesse, tu ne pouvais pas faire ce travail sans avoir des interlocuteurs, des négociateurs, sans qu’il y ait des témoins. Alors, où sont-ils ? A part ton François et ta vieille copine sarthoise, on a pas vu grand monde. Pourtant, en plus de dix ans d’assistanat, ils devraient être nombreux à se bousculer pour te défendre ! Alors où sont-ils ?
Princesse, je te le dis, ta fillonade est ratée ! Et de grâce, que ton prince cesse de crier à l’assassinat politique : Jaurès a été assassiné, des journalistes sont assassinés chaque année dans le monde pour leur courage politique, ton François, lui, est bien vivant.
Et oui, princesse, ta fillonade est ratée et le discours de François, frelaté, un peu ringard aussi. La sauce a tourné. Je n’aurais jamais cru te dire cela un jour, princesse, ton prince n’est pas charmant, ne gagnera peut-être pas cette bataille, ni le trône de France, et les voyages en Falcon ne seront plus qu’un vieux souvenir.
©IdR- 5 mars 2017
Aujourd’hui 5 mars 2020 reprend le procès des époux Fillon.